La Chine traverse une période d’incertitude économique sans précédent. Entre la crise immobilière, le chômage des jeunes en hausse et le ralentissement de la croissance, de nombreux citoyens cherchent des réponses ailleurs… parfois dans des domaines insoupçonnés. Résultat : les applications de divination connaissent un essor fulgurant, en particulier chez les jeunes générations. Selon une étude menée par iiMedia Research, le marché de la divination en ligne en Chine a dépassé les 20 milliards de yuans (environ 2,7 milliards d’euros) en 2023, avec une adoption croissante parmi les 18-30 ans.
Quand l’avenir économique paraît incertain, la divination devient une boussole
Depuis la crise sanitaire, les Chinois ont vu leur quotidien bouleversé : restrictions strictes, pertes d’emploi, déclin des opportunités professionnelles… Face à ces turbulences, une tendance surprenante émerge : un retour en force des pratiques divinatoires. Cartomancie, astrologie chinoise, Yi Jing (classique des changements), lecture du visage ou encore numérologie, ces pratiques millénaires séduisent une jeunesse en quête de repères.
D’après une étude récente, 80 % des moins de 30 ans en Chine ont déjà consulté un devin ou utilisé une application de divination pour prédire leur avenir. Ces outils, souvent intégrés à des plateformes populaires comme WeChat ou Douyin (le TikTok chinois), offrent des réponses instantanées à des questions cruciales : vais-je trouver un emploi ? Vais-je réussir mon projet professionnel ? Dois-je déménager ou investir ?
Les applications de divination explosent sur le marché chinois
Si la divination a toujours fait partie de la culture chinoise, son adaptation au digital en fait aujourd’hui un véritable phénomène. Les téléchargements d’applications dédiées ont bondi ces dernières années. Depuis la crise sanitaire, certaines plateformes ont enregistré une croissance de plus de 200 % en nombre d’utilisateurs, selon une étude menée par QuestMobile, qui analyse l’évolution des usages numériques en Chine.
Parmi les plus populaires, on trouve « Lingxi », une application spécialisée en astrologie chinoise, « Doubao », qui propose des tirages de tarot en ligne, ou encore « Suanming », une plateforme d’analyse de destin basée sur la numérologie chinoise.
Les créateurs de ces applications s’adaptent aux nouvelles attentes en proposant des services payants, des consultations personnalisées avec des maîtres de feng shui, et même des abonnements pour suivre son horoscope quotidien.
Le boom des objets porte-bonheur : un marché en plein essor
En parallèle de l’explosion des services divinatoires, un autre phénomène prend de l’ampleur : l’achat d’amulettes et de talismans porte-bonheur. Bracelets en jade, colliers ornés de symboles de prospérité, pièces gravées de mantras bouddhistes… ces objets traditionnels connaissent un regain de popularité impressionnant.
Les ventes de bracelets porte-bonheur ont été multipliées par dix en un an sur certaines plateformes de e-commerce comme Taobao et JD.com. De nombreux jeunes portent ces accessoires non seulement comme des éléments de mode, mais aussi comme des protections contre la malchance et les énergies négatives.
Un paradoxe dans la Chine moderne et communiste
L’essor de ces pratiques divinatoires s’inscrit dans un paradoxe fascinant. La Chine, dirigée par un parti communiste officiellement athée, voit pourtant la superstition et les croyances traditionnelles regagner du terrain.
Si les autorités tolèrent ces pratiques lorsqu’elles restent personnelles ou commerciales, elles surveillent néanmoins de près les mouvements spirituels qui pourraient défier leur autorité. Par exemple, les groupes religieux ou ésotériques considérés comme des « sectes » sont strictement réprimés. En revanche, tant que les services de divination restent dans un cadre de divertissement ou de développement personnel, ils échappent à la censure.

Une tendance qui reflète une anxiété collective
L’essor de la divination en Chine révèle une profonde anxiété chez la jeunesse chinoise, qui peine à se projeter dans l’avenir. Cette incertitude est alimentée par plusieurs facteurs, notamment un taux de chômage des jeunes qui dépasse les 20 %, des salaires stagnants malgré un coût de la vie en hausse, et une pression sociale accrue pour réussir. De plus, la crise du secteur immobilier et les restrictions imposées sur les grandes entreprises technologiques ont limité les perspectives économiques, renforçant chez les jeunes un sentiment d’impuissance face à leur avenir. Avec un marché du travail de plus en plus compétitif, un coût de la vie élevé et une pression sociale intense, nombreux sont ceux qui recherchent des réponses ailleurs que dans les canaux institutionnels.
Cette tendance pourrait-elle s’installer durablement ? Certains analystes pensent que oui. Tant que l’incertitude économique persistera, les Chinois continueront à chercher des repères… quitte à consulter le Yi Jing sur leur smartphone avant de prendre une grande décision.
FAQ
Pourquoi la divination est-elle si populaire en Chine aujourd’hui ?
La divination a toujours fait partie de la culture chinoise, mais l’incertitude économique actuelle pousse de plus en plus de jeunes à y recourir pour obtenir des réponses et un sentiment de contrôle sur leur avenir.
Quelles sont les applications de divination les plus populaires en Chine ?
Des applications comme « Lingxi » (astrologie chinoise), « Doubao » (tarot) et « Suanming » (numérologie) connaissent un grand succès.
Les objets porte-bonheur ont-ils réellement une influence ?
Si leur efficacité reste une question de croyance personnelle, leur popularité est incontestable et ils procurent un effet psychologique rassurant à leurs propriétaires.
Le gouvernement chinois réglemente-t-il ces pratiques ?
Les autorités tolèrent les pratiques divinatoires tant qu’elles restent commerciales ou personnelles, mais surveillent de près les mouvements ésotériques qui pourraient défier leur autorité.
Qu’en pensez-vous ? Cette montée en puissance des croyances divinatoires vous semble-t-elle être un simple phénomène de mode ou une véritable mutation sociale en Chine ?